Les servitudes

I. Qu’est-ce qu’une servitude ?

Selon l’article 637 du code civil, une servitude est une charge qui grève un bien immobilier, appelé fonds servant au profit d’un autre immeuble appelé fonds dominant. La servitude est nécessairement immobilière, c’est-à-dire que les meubles n’en font jamais l’objet. Les servitudes sont accessoires par nature, cela signifie qu’elles s’attachent au fonds auquel elles s’appliquent.

Les servitudes permettent d’améliorer l’utilité économique d’un bien par l’affectation à son service d’un autre bien. Elle a également pour but d’assurer l’utilisation du bien (par exemple : un droit de passage pour accéder à une parcelle enclavée), le respect de l’intimité dans les relations de voisinage (par exemple : servitude de vue) et aussi d’améliorer l’utilisation du bien concerné. La servitude peut être illimitée dans le temps ou avoir un terme. On distingue deux sortes de servitudes :

Servitude légale (créé par la loi)

Servitude conventionnelle (créé par contrat/volonté)

  1. Servitude d’utilité publique 

Il s’agit de l’ensemble des servitudes d’urbanisme. Elles visent au respect d’une certaine esthétique ou d’une certaine qualité de vie dans la commune.

2. Servitude d’utilité privée 

  • Le respect des distances (Article 671 et suivants du Code Civil). Ce sont les règles concernant la distance de plantations, d’implantation des habitations, règles concernant les jours (fenêtre qui ne s’ouvre pas) et les vues (portes ou fenêtres) 
  • L’écoulement des eaux (Article 681 du Code Civil) : le propriétaire doit établir ses toits de manière que les eaux pluviales s’écoulent sur son terrain ou sur la voie publique.
  • Le passage en cas d’enclave (Articles 682 et suivant du Code Civil)

L’article 686 du Code Civil permet aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés ou en faveur de celles-ci, telles servitudes qu’il leur plaît, sous réserve qu’elles ne soient pas contraires à l’ ordre public.

II. Quel rôle joue le notaire ?

La servitude est perpétuelle comme le droit de propriété dont elle est l’accessoire, mais les parties peuvent prévoir qu’elle sera temporaire par une convention. La servitude ne peut être constituée ou modifiée conventionnellement que par un acte authentique qui doit être publié pour produire des effets à l’égard des tiers , et notamment à l’égard des propriétaires ultérieurs. L’acte notarié a pour objet de fixer :

  • L’assiette de la servitude : par exemple, il prévoit le tracé de la servitude de passage,
  • L’indemnité éventuellement due par le bénéficiaire de la servitude (il peut s’agir soit d’un capital versé en une fois, soit d’une redevance périodique).

III. L’établissement des servitudes 

Les servitudes s’établissent de trois façons :

  1. Par titre, c’est à dire par convention amiable entre voisins. L’étendue et les modalités d’exercice des servitudes conventionnelles sont définitivement fixées par le titre qui les institue et ne peuvent être modifiées que d’un commun accord entre les propriétaires des fonds dominant et servant
  2. Par prescription trentenaire, mais ce mode ne peut viser que les servitudes continues et apparentes (Article 690 du Code civil). Exemple : servitude de vue.
  3. Par destination du père de famille lorsqu’il existe à la date de division d’une propriété un ouvrage permanent et apparent, signe d’une servitude (par exemple un chemin empierré) et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

IV. Au moment de la vente du bien immobilier, qui bénéficie de la servitude ou qui la supporte ?

La servitude est un droit réel immobilier accessoire au droit de propriété : elle est attachée au bien et non à la personne du propriétaire. Par conséquent, si le bien est vendu, il est obligatoirement transmis avec la servitude à l’acquéreur.

En principe, les servitudes supportées par un bien immobilier déprécient sa valeur. Il est donc nécessaire que l’acquéreur en soit informé par le vendeur et que l’acte de vente mentionne les servitudes. Cette obligation porte non seulement sur les servitudes conventionnelles mais également sur les servitudes non apparentes ou « occultes » dont le propriétaire a connaissance, sous peine de résiliation du contrat ou de dommages et intérêts au profit de l’acquéreur.

Pour remplir cette obligation lors de la vente, le notaire consulte les titres antérieurs afin d’identifier les servitudes pouvant grever le bien et demande, notamment, un certificat d’urbanisme faisant apparaître d’éventuelles servitudes d’urbanisme (non apparentes).

V. Les différentes catégories de servitudes

Trois grandes catégories de servitudes peuvent être distinguées.

  1. Les servitudes découlant de la situation naturelle des lieux (exemples : écoulement des eaux, bornage…) ;
  2. Les servitudes imposées par la loi soit d’utilité publique ou d’intérêt privé (exemples : plantations et constructions, servitudes de vue) ;
  3. Les servitudes établies par le fait de l’homme (c’est-à-dire par des conventions entre propriétaires comme la servitude de passage, une interdiction de construire…). Ces servitudes ne sont opposables à l’acquéreur d’un bien que si elles sont mentionnées dans le titre de propriété ou si la convention de servitude a été publiée à la conservation des hypothèques.

V. Les servitudes et leurs différents caractères 

La servitude qui est créée doit être qualifiée au regard de deux critères :

Servitudes continues ou discontinues

(Article 688 du Code civil)

Elle implique une intervention répétée du propriétaire du fonds dominant (Par exemple : une servitude de passage, qui permet d’accéder à une propriété en passant par le fonds servant)

Cette servitude discontinue s’exerce sans que le propriétaire du fonds dominant ne fasse des actes répétés (Par exemple : une servitude de vue, qui autorise à créer des ouvertures permettant de voir sur la propriété voisine)

Servitudes apparentes ou non apparentes/occultes

(Article 689 du Code civil)

Apparente, signifie qu’elle se matérialise par des signes extérieurs ou des ouvrages (Par exemple : une servitude d’égout de toit qui permet de verser les eaux pluviales de son toit sur la propriété voisine)

Quand elle est non apparente ou occulte, cela signifie qu’elles sont invisibles (Par exemple : interdiction de construire…).

Les servitudes sont dites actives (pour le propriétaire du fonds bénéficiaire), ou passives (pour le propriétaire du fonds qui les supporte).

VII. Les causes d’extinction des servitudes 

  1. L’impossibilité d’exercice : les servitudes cessent lorsqu’elles se trouvent dans un tel état qu’on ne peut plus les utiliser (Par exemple : création d’un trottoir sur le fonds dominant rendant impossible l’usage d’un droit de passage).
  2. La confusion : il s’agit de la réunion du fonds servant et du fonds dominant entre les mains du même propriétaire.
  3. La prescription extinctive trentenaire : si personne n’utilise la servitude pendant 30 ans alors elle disparaît. Mais la servitude légale de passage en cas d’enclave ne s’éteint pas par le non usage, il en est de même pour la mitoyenneté.
  4. Le délaissement : la servitude s’éteint si le propriétaire du fonds dominant n’assure plus ses obligations vis-à-vis de la servitude.
  5. L’extinction du terme prévu dans la convention, par la modification conventionnelle ou la renonciation du propriétaire du fonds dominant..

De plus, les servitudes conventionnelles peuvent s’éteindre soit d’un commun accord entre les parties, soit par renonciation du propriétaire du fonds dominant. Dans ce dernier cas, le notaire doit établir un acte authentique et le publier au bureau des hypothèques afin de le rendre opposable à l’acquéreur du bien au profit duquel la servitude était établie, ainsi qu’aux tiers.

VIII. Les principales servitudes 

Le droit de passage

Il peut résulter :

  • De la loi, en cas d’enclave (Article 682 du code civil) : lorsque le propriétaire n’a aucune issue ou une issue insuffisante sur la voie publique pour accéder à sa propriété. Les modalités d’exercice du droit de passages ont déterminées soit d’un commun accord entre les parties, soit à défaut d’accord par le juge, soit par la prescription . Le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court pour aller du fonds à la voie publique. Il doit être fixé dans l’endroit occasionnant le moins de dommages au propriétaire de la parcelle qui le supporte. Ce dernier perçoit une indemnité fixée à l’amiable ou par le juge. La servitude légale de passage peut s’éteindre, outre les causes de droit commun, par la cessation de l’enclave (exemple: ouverture sur la voie publique ou réunion des deux lots). Toutefois, elle ne s’éteint jamais par le non-usage
  • D’une convention : dans ce cas, l’enclave n’est pas nécessaire. Les modalités d’exercice du droit de passage résultent de la convention créant la servitude .

La cour commune

Cette servitude consiste dans l’interdiction formelle et perpétuelle pour les propriétaires, de bâtir sur tout ou partie du sol joignant un ou plusieurs bâtiments, ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant.

Elle a pour but d’aérer et d’éclairer les bâtiments qui l’entourent. Les servitudes de cours communes résultent :

  • Soit d’un commun accord entre les propriétaires voisins. Dans ce cas, un acte authentique doit être dressé par un notaire et publié au bureau des hypothèques ;
  • Soit d’une exigence de l’administration, en application des règles d’urbanisme à l’occasion de la délivrance d’un permis de construire. A défaut d’accord entre les propriétaires, le tribunal de grande instance est compétent pour instituer la servitude et déterminer l’indemnité à verser au propriétaire du terrain qui la supporte.

La mitoyenneté

Bien qu’évoquée dans le chapitre consacré aux servitudes dans le code civil, la mitoyenneté n’est pas à proprement parler une servitude , car elle ne restreint pas l’utilisation d’un bien. Il s’agit d’un droit de propriété indivise portant sur la clôture (par exemple un mur, une haie….) séparant deux biens immobiliers contigus, appartenant à des propriétaires différents, la clôture étant établie sur la limite même des deux biens.

Chacun des propriétaires possède des droits égaux de jouissance sur la clôture mitoyenne. La mitoyenneté s’acquiert de trois manières :

  • par la construction à frais communs par les propriétaires voisins d’une clôture entre leurs terrains sur la ligne séparative ; 
  • par prescription : voir aussi « la création des servitudes » ;
  • par la cession à un propriétaire voisin, de la mitoyenneté d’un mur édifié à ses frais et sur son propre terrain, par un autre propriétaire.

Exemple : le mur mitoyen

Tout mur séparant des propriétés contigües est présumé mitoyen, c’est-à-dire construit par deux propriétaires à frais communs sur la ligne séparative de leurs terrains.

La preuve de la mitoyenneté d’un mur ne pose pas de difficulté lorsqu’il existe un titre de propriété. A défaut de titre ou en cas de silence de l’acte à ce sujet, la preuve de la mitoyenneté s’établit selon des signes extérieurs sur le mur décrits par la loi (exemple: sens de l’inclinaison du sommet du mur).

Les présomptions légales de mitoyenneté peuvent être détruites par un titre, par la prescription trentenaire ou par témoignage. Chacun des propriétaires du mur mitoyen a le droit d’utiliser le mur à condition de respecter les droits de son voisin. Chacun doit veiller à son entretien et à sa conservation et éviter tout acte de nature à causer un dommage au mur.